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22/04/2019

Philippe Djian : Les Inéquitables

Philippe Djian, Amélie Nothomb, Marguerite Duras, Philippe Djian est un romancier français né en 1949 à Paris. Longtemps présenté comme un héritier de la Beat Generation en France, il est notamment l'auteur en 1985 de 37°2 le matin qui lui apporta la popularité mais depuis, son style et son inspiration ont beaucoup évolué. Si chaque année Amélie Nothomb nous prépare à l’automne, Philippe Djian lui, arrive avec le printemps. Son nouveau roman, Les Inéquitables, vient de paraitre.

Une ville au bord de l’océan. Depuis l’assassinat de son mari il y a un an, Diana qui a été salement blessée, en gardant des séquelles, et son beau-frère Marc partagent la même grande maison. Marc s’est donné pour mission de veiller sur elle après plusieurs tentatives de suicide. La vie aurait pu reprendre tranquillement mais un matin sur la plage, Marc trouve plusieurs kilos de cocaïne échoués là. L’engrenage fatal se met en branle quand il propose à Joël, par ailleurs frère de Diana, de la revendre…

Si vous me lisez régulièrement, vous savez que je suis un fidèle de Philippe Djian depuis ses débuts. Cette chronique - comme toutes les autres consacrées aux romans de l’écrivain – ne sera donc pas vraiment objective et je ne ferai d’ailleurs aucun effort pour qu’elle le soit.

Après un long creux de vague, ces dernières années Philippe Djian s’améliore de livre en livre, en témoigne ce nouvel ouvrage très réussi. Un roman noir où il sera question de petit trafic de drogue impliquant Joël le frère de Diana, Serge son amant, fils du maire et proche de la police, et de jeunes voyous sans foi ni loi. Pour être franc, cet angle du roman reste assez flou, de même que nous ne saurons jamais dans quelles circonstances a été assassiné Patrick, l’époux de Diana. Dans ce décor très polar, d’autres drames vont se jouer. Joël qui travaille avec Marc à construire des bateaux va péter un câble et tuer sa femme Brigitte, Marc pour l’aider ( !) propose de faire disparaitre le corps.  

L’écrivain s’attache surtout à décrire les liens (amitié, famille, sexe) entre tous les acteurs dont Marc et Diana sont le centre entourés de Joël et Brigitte sa femme en procédure de divorce, Serge qui trompe Charlotte avec Diana. Les trois femmes ont bien morflé, Diana a les jambes pleines de cicatrices handicapantes, Charlotte a eu une main arrachée autrefois et Brigitte se fait assassiner ! Et je fais l’impasse sur Denise, personnage secondaire, qui y laissera sa peau aussi…

L’écriture de Djian marie les genres : lyrique au vocabulaire choisi (un peu trop ostentatoire) pour parler des paysages, plus simple, pour ne pas dire à l’économie le reste du temps, avec des clins d’œil (comme celui à Marguerite Duras « Il dit je suis fatigué. Elle dit je vais te donner un truc pour la nuit. »). Mais le plus frappant, ce sont les ellipses, nombres d’épisodes sont abandonnés à l’imagination du lecteur ou le laissent carrément dans l’ignorance (Pourquoi et comment exactement est mort Patrick ? Un truc louche et pas honnête c’est évident, mais quoi… ?) Pour que le lecteur ne pense pas que Djian vit dans sa bulle, une phrase de-ci, de-là, prouve que l’auteur n’est pas ignorant de l’actualité et de la manière dont va notre monde.

Pour conclure sur les thèmes abordés dans le bouquin, je reprends cette phrase du roman « Ils se passèrent le joint en discutant à propos de la trahison, de l’amitié, de la vengeance, du désir. »

 

« Elle ne disait plus à Marc qu’elle pouvait se passer de baby-sitter car c’était en pure perte. Il n’avait plus confiance. De la fenêtre de sa chambre il la suivait à la jumelle quand elle marchait pieds nus sur le sable mouillé, encore dur, et dès qu’elle faisait le moindre faux pas, trébuchait, il se raidissait sur son siège, elle le savait, comme elle savait, sans la moindre erreur possible, quand son regard était posé sur elle, fût-ce dans son dos. Il devait penser qu’elle était folle, naturellement, bonne à enfermer. Elle se mettait à sa place, plus ou moins. En tout cas, il ne voulait plus la croire ni lui faire confiance. (…) Si je voulais recommencer, tu ne pourrais pas m’en empêcher. Personne le pourrait. »

 

Philippe Djian, Amélie Nothomb, Marguerite Duras, Philippe Djian   Les Inéquitables   Gallimard – 166 pages –

 

 

 

 

 

Si le titre du roman vous semble un peu mystérieux, voici un extrait de l’entretien donné par l’écrivain au Bulletin Gallimard :

Pourquoi qualifier les protagonistes d’«Inéquitables» ?

Tout part de l’expression « commerce équitable », qui fleurit un peu partout, et du double sens du mot «commerce», relations marchandes mais aussi relations humaines, voire charnelles — on parle de « commerce avec une personne du sexe opposé ». Et je me suis dit que les relations entre mes personnages, leur commerce, donc, étaient terriblement inéquitables. Comme c’est assez général, nos relations avec les autres étant souvent inéquitables, j’ai ajouté cette majuscule pour en faire les «Inéquitables» par excellence, comme d’autres sont « Illustre » ou « Immortels ».